00:00:00 / 00:00:00


FRANCAIS - ENGLISH
- - - Pierre Colman A la recherche d'un autoportrait de Jan van Eyck Bulletin de la Classe des Arts, Académie royale de Belgique, 6e série, t. 23, 2012, p.81 - 96
Amateur
Expert
Reporticle : 97 Version : 1 Rédaction : 01/01/2012 Publication : 27/06/2014

Note de la rédaction

Ce reporticle est extrait d’un Bulletin de la Classe des Beaux-Arts de l'Académie royale de Belgique (

A la recherche d’un autoportrait de Jan van Eyck

Le désir de découvrir le visage d’un prestigieux artiste du passé, de préférence exécuté par lui-même, est latent chez tout historien de l’art. Il peut être vif au point de mettre l’esprit critique en sommeil. Les autoportraits indiscutables sont sans nombre. Les discutables le sont aussi. « Toutes les études sur l’histoire de l’autoportrait s’accordent à affirmer que ce genre de représentation commence au Quattrocento, à Florence, à l’époque où l’image sociale de l’artiste fait l’objet d’une véritable révolution. L’humanisme, en effet, le transforme d’artisan en artiste » écrit hardiment l’auteur d’un monumental ouvrage récent sur le sujet (1). Il commence en réalité dès le Trecento (2). Deux cas sont fameux entre tous. En 1459, Benozzo Gozzoli glisse son portrait dans une célèbre fresque florentine : perdu dans la piétaille qui suit le cortège des rois mages, il arbore son nom sur son bonnet. Signorelli se montre beaucoup plus en évidence, quarante ans plus tard, dans celle d’Orvieto (3).

Fig. 1 – Le Juge intègre au rosaire de l'Agneau mystique. Gand, cathédrale saint-Bavon.
Photo IRPA-KIK Bruxelles.Close
Fig. 1 – Le Juge intègre au rosaire de l'Agneau mystique. Gand, cathédrale saint-Bavon.

Dans l’Adoration des mages peinte sur panneau par Botticelli en 1475, un personnage anonyme rejeté au bord droit de la scène se détourne pour regarder le spectateur dans les yeux : c’est Sandro lui-même, on n’hésite guère à le croire (4). Il en va de même pour ce qui est des Scènes de la vie de saint Pierre peintes à la fresque en 1481-1483 par Filippino Lippi (5). Dans maints autres cas, le doute est de rigueur (6). Bien loin de se croire permis de s’adjuger le rôle d’un personnage majeur, les peintres restent tous dans celui de figurant effacé. L’adoration des bergers de Ghirlandajo, datée de 1485 (7), ne fait nullement exception à la règle. Le personnage agenouillé, dans la force de l’âge, qui montre du doigt l’Enfant Jésus, c’est le peintre, sans doute, mais non pas saint Joseph, qu’il faut reconnaître dans le vieillard placé au centre, mais en retrait, à côté de la Vierge. Les exemples italiens sont assurément à la base de la tradition qui se plaisait à reconnaître Jan van Eyck dans celui des Juges intègres mis en scène dans l’Agneau mystique qui a sur les épaules un rosaire (fig. 01), comme s’il était permis d’assimiler Josse Vijd à Laurent de Médicis et la pieuse Bruges à l’impie cité que savonarole a fait trembler sous ses foudres. Cette « vieille tradition » (8), née au XVIe siècle au plus tard, est unanimement rejetée depuis longtemps.

Fig. 2 – Portrait prétendu de Jan van Eyck, dans Pictorum aliquot celebrium Germaniae inferioris effigies, éd. Jérôme Cock, Anvers, 1572, pl. 2. Anvers, Musée plantin-Moretus, Cabinet des estampes.
Photo Musée Plantin-Moretus, Anvers.Close
Fig. 2 – Portrait prétendu de Jan van Eyck, dans Pictorum aliquot celebrium Germaniae inferioris effigies, éd. Jérôme Cock, Anvers, 1572, pl. 2.

Le portrait de Jan qui forme la planche 2 du livre de Dominique Lampson, Pictorum aliquot celebrium Germaniae inferioris Effigies, édité par Jérôme Cock en 1572, est la reproduction de ce personnage, bien reconnaissable malgré l’inversion, l’ajout d’une main, la modification du regard, forte, et du vêtement, faible (fig. 02). pour Hubert, la planche 1, c’est le premier des cavaliers que l’auteur a choisi, mais en faisant vieillir considérablement le visage. Soucieux de se documenter de scrupuleuse façon, comme l’assure son éditeur (9), il a dû constater que les textes de Lucas de Heere et de Marcus van Vaernewijck, parfaitement clairs au sujet de Jan, sont fort loin de l’être au sujet de Hubert. Le cavalier au rosaire n’est autre, en fait, que Philippe le Bon dans la fleur de l’âge. S’il plante son regard dans le nôtre, c’est pour signifier qu’il est en vie, lui, le seul de tous les Juges, parmi lesquels son père Jean sans Peur, son grand-père philippe le Hardi et son bisaïeul Louis de Mâle (10). L’irrésistible désir de découvrir des autoportraits dans le polyptyque a poussé à en trouver dans le panneau central : Hubert serait le personnage masculin qui se hausse un peu du col à l’arrière du groupe des martyrs, au bord droit, Jan son voisin de droite (11). Pures hypothèses, dans l’état actuel du savoir.

Jan van Eyck a glissé un autoportrait de taille minuscule dans La Vierge au chanoine van der Paele et dans le Double portrait des Arnolfini, on l’admet. Mais on ne peut rien en tirer pour ce qui est de sa physionomie, bien évidemment. Et de même pour ce qui est de l’un des deux personnages, à peine plus grands, qui sont côte à côte fort exactement au centre de la Madone d’Autun. L’ample coiffe ne laisse apparaître qu’un tout petit bout de profil (12). Le marié du Double portrait n’est pas Jan (13). Lorne Campbell voue la thèse aux oubliettes, si invétérée qu’elle soit (14). Une étude récente de caractère anthropologique relate sans indulgence la valse des thèses dont ce tableau aussi énigmatique qu’admirable a fait l’objet (15). Par voie de conséquence, le petit tableau conservé à Berlin qui est le portrait du même homme ne l’est pas non plus (16).

Et Tymotheos pas davantage. Dieter Jansen (17) a eu tort de se convaincre du contraire, Ludovic Nys et Daniel Lievois l’ont démontré, et non sans proposer avec beaucoup d’éloquence un autre nom, celui de Godevaert de Wilde (18). L’homme au chaperon bleu de Sibiu ne saurait être un autoportrait commémorant un veuvage qui n’est aucunement attesté (19).

Fig. 3 – L’homme au turban par Jan van Eyck, 1433, huile sur panneau, 33.1 x 25.9 cadre compris. Londres, National Gallery.
Photo National Gallery, Londres.Close
Fig. 3 – L’homme au turban par Jan van Eyck, 1433, huile sur panneau, 33.1 x 25.9 cadre compris. Londres, National Gallery.

Bien autrement sérieux le dossier du célèbrissime Homme au turban de la National Gallery (fig. 03). Erwin Panofsky (20), Elisabeth Dhanens (21), Lorne Campbell (22), Hans Belting (23) et Albert Châtelet (24), excusez du peu, lui ont apporté leur appui, à divers degrés de conviction. « In my view, convincing evidence concerning the identity of the sitter has not been brought forward », écrivait cependant Martin Davies en 1954 (25). En 2002, Volker Herzner disait exactement la même chose en d’autres mots (26). Le tableau est daté avec précision, à la manière d’un document notarié (27), du 21 octobre 1433, une date qui ne correspond à rien dans la biographie de son auteur. Il passe pour le plus ancien des autoportraits présumés parvenus jusqu’à nous, ceux du moins qui sont traités isolément, par opposition à ceux qui sont plus ou moins subrepticement intégrés à une composition, in assistenza. S’agissant d’un génie prodigieusement novateur, ce n’est pas de quoi éveiller la méfiance (28). Le regard de l’homme accroche le nôtre, c’est l’argument majeur. Mais le portrait de Jan de Leeuw (1436) et celui de Marguerite van Eyck (1439) sont dans le même cas, sans oublier celui de l’Homme à l’œillet longtemps attribué à leur auteur (29), ni celui de la jeune inconnue peinte par Rogier van der Weyden vers 1435-1440, longtemps prise pour son épouse (30). Chaque fois que le personnage qui fait peindre son portrait est soucieux d’en imposer, c’est la règle, qu’il s’agisse d’un pape, d’un roi ou de Monsieur Bertin (31). Et c’est question de caractère personnel si certains ont le regard affûté et d’autres non.

Le regard du Christ, tel que Jan l’a saisi du pinceau, fixe le spectateur droit dans les yeux de l’enturbanné. Il est fort loin d’avoir autant d’intensité, certes. Mais l’œuvre n’est connue que par des copies (32). Les yeux sont différents l’un de l’autre. Serait-ce parce que le peintre n’en voyait qu’un à la fois dans son miroir (33) ? C’est plutôt parce que dame Nature les avait faits ainsi, tout comme ceux du cardinal Albergati, entre cent autres (34), auxquels s’ajoutent ceux que prodigue la réalité quotidienne. De l’avis de « pan », l’enturbanné est impressionnable, mais imperturbable, désillusionné, mais insatiablement curieux, ce qui est en accord avec l’effet que fait l’ensemble de l’œuvre du peintre (35). Voire. Friedländer, lui, allait jusqu’à se demander si le peintre et son modèle n’étaient pas quelque peu étrangers l’un à l’autre (36).

Comblé comme il l’a été par la vie, sur le plan professionnel en tout cas, Jan avait pour arborer un air vainqueur les meilleures raisons du monde. Et nullement une bouche « un rien amère » (Elisabeth Dhanens dixit), des lèvres serrées, un regard froid, un air de se tenir sur ses gardes. À les scruter, je me sens tenté de reconnaître un homme d’argent. Le cadre doré à l’or fin est une patente manifestation extérieure de richesse, et ce n’est pas la seule, on va le voir. Ce luxe brille par son absence dans le portrait de Marguerite van Eyck. Exposés côte à côte dans la demeure conjugale, normalement, le portrait d’un mari et celui de son épouse ne se doivent-ils pas d’être impeccablement assortis ? De surcroît, le buste n’est pas tourné dans la direction adéquate (37). NG 222 ne saurait être le pendant qui a disparu en ne laissant que d’assez pauvres traces écrites. Serions-nous en présence du père de l’épouse de Jan, comme plus d’un s’en est persuadé (38), ou de son oncle ? En l’absence de la moindre preuve, le doute reste permis, car la ressemblance invoquée n’est pas niable.

« Damoiselle » Marguerite est vêtue à peu près aussi richement que la dame du double portrait de la National Gallery, voire que Jacqueline de Bavière, à la fourrure d’hermine près (39). L’enturbanné, lui, porte un vêtement fort pareil à celui de Jan de Leeuw. Or, l’écart social n’est pas mince entre un orfèvre qui n’est pas encore le doyen de sa corporation et un peintre qui est depuis près de dix ans le valet de chambre du duc. Un écart dont la somptuosité des habits donne la mesure à sa cour (40). Lorsque Jan est envoyé au portugal, il touche une allocation aussi élevée que celle de Baudouin de Lannoy (41). Pouvait-il pour autant se vêtir comme lui de soie brochée d’or ? Rien n’est moins certain (42). Il était « né dans la poussière », comme l’a dit saint-simon de Jules Hardouin-Mansart. Contrairement à une opinion qui a fait tache d’huile (43), il n’appartenait pas à la petite noblesse. Les armoiries que montrait sa dalle funéraire, claire allusion à la peinture, son métier, et radicalement différentes et de celles de son père et de celles de son grand-père, ne sauraient en fournir la preuve. Jusqu’à ce que Philippe II légifère, par un édit du 23 septembre 1595, au sujet des titres et marques d’honneur ou de noblesse et du port d’armoiries et autres distinctions, la liberté a régné en la matière (44) ; « se faire dessiner ses armes » « n’était pas nécessairement signe de noblesse, mais marque d’une situation importante, d’une ascension sociale » (45).

Jan s’est choisi un Le motto à l’instar des rois et des princes (46). Il l’a peint sur le cadre comme il le peindra sur celui du portrait de son épouse. Là, une inscription qui fait connaître l’identité du modèle l’accompagne. Ici, rien de pareil. Les trois mots de trois lettres sont très en évidence au milieu du haut de l’encadrement. Est-ce un argument ? si oui, il n’est certes pas décisif. Le couvre-chef si spectaculairement mis en évidence, qui n’est pas un turban au sens le plus strict du terme, mais bien un chaperon noué en turban, ne fait aucunement allusion aux Turcs et aux Arabes, ni aux païens, ni aux pharisiens, ni aux collecteurs d’impôts (47). Il n’est pas davantage la coiffure signalétique d’un disciple de saint Luc. S’il l’avait été, Rogier n’aurait pas manqué d’en coiffer le sien, occupé à dessiner la Vierge, la tête couverte d’un simple calot pareil à celui de Thierry Bouts dans son autoportrait présumé (48).

Fig. 4 – Scène de fiançailles. Le mois d’avril (détail) dans le calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry. Musée Condé-Château de Chantilly, ms 65, f° 4 v°.
Photo Musée Condé-Château de Chantilly.Close
Fig. 4 – Scène de fiançailles. Le mois d’avril (détail) dans le calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry. Musée Condé-Château de Chantilly, ms 65, f° 4 v°.

Dans la suite des temps, beaucoup de peintres ont porté des couvre-chefs d’allure bohême, mais pas tous, et pas seulement eux, et pas pareils à celui-ci (49). Il relève de la mode extravagante dont les cours princières se sont entichées vers 1400 jusqu’aux alentours de 1425 (fig. 04) (50). Les bourgeois enrichis qui les singeaient dans le désir de rivaliser avec elles n’ont pas manqué de l’adopter, ce qui n’a pas manqué de les en dégoûter (51). Exemple : l’homme au chaperon bleu (52). Une génération plus tard, elle a sombré dans le ridicule. Rien n’en témoigne mieux qu’un tableau dont une soixantaine de versions sont venues jusqu’à nous, preuve d’une vogue extraordinaire (53). Deux hommes très occupés d’argent, percepteurs de taxes, changeurs ou avares, y sont mis en scène. Le prototype pourrait être une œuvre perdue de Jan. C’est en tout cas Marinus van Reymerswaele qui l’a popularisé. La charge satirique n’est pas peu renforcée par des couvre-chefs farfelus. Si Jan en avait porté un de cette veine à la cour de philippe le Bon en 1433, il se serait couvert de ridicule.

Fig. 5 – Miniature dédicatoire des Chroniques du Hainaut (détail), vers 1447. Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, Ms 9242, f° 1, Détail.
Photo Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles.Close
Fig. 5 – Miniature dédicatoire des Chroniques du Hainaut (détail), vers 1447. Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, Ms 9242, f° 1, Détail.

Une enluminure célèbre (fig. 05) datée des alentours de 1447 montre le duc entouré de ses intimes une bonne dizaine d’années plus tard (54). Il a sur la tête un chaperon sensiblement moins tape-à-l’oeil que celui de NG 222, de couleur noire, fort pareil à celui qu’il porte dans les exemplaires très nombreux de ce que l’on peut considérer comme son portrait officiel (55). Le chancelier Rolin en porte un du même genre, mais nettement plus modeste, comme de juste, dans l’enluminure en question. L’évêque Jean Chevrot est vêtu et coiffé d’un rouge à peine moins intense que la pourpre cardinalice. Il est le seul. La couleur « escarlatte vermeille », à base de kermès très coûteux, était un signe extérieur voyant à souhait de richesse et d’ambition sociale. C’était celle du manteau des chevaliers de l’ordre de la Toison d’or. Les princes souverains ne parvenaient pas à se la réserver (56). Si Jan l’avait arborée, n’aurait-il pas été remis à sa place par le maître des cérémonies ?

Aucun des autres porteurs d’un chaperon enturbanné de couleur rouge repérables dans les panneaux peints par Jan van Eyck ou l’un de ses contemporains ne fait figure de favori du duc. Ainsi, du pinceau de Jan, l’un des deux petits personnages énigmatiques placés au centre de la Madone d’Autun, évoqués plus haut ; mais aussi le donateur du triptyque de Dresde, un Italien probablement, qui le porte, lui, sur l’épaule (57). Ainsi, d’un imitateur sans doute, Giovanni Arnolfini, si c’est bien lui qui a posé pour le petit portrait conservé à Berlin (58). Ainsi, d’un pinceau magistral autant que discuté, l’homme dont l’admirable portrait de la National Gallery, longtemps attribué au Maître de Flémalle, a été récemment rendu à Rogier Van der Weyden (59). Ainsi encore, non pas de lui, comme on l’a cru, mais d’un suiveur moyennement doué, l’Homme au turban rouge et à l’œillet (60). Ainsi le jeune et riche bourgeois dont le portrait est sans doute de la main de Jacques Daret (61).

Dans le portrait présumé de Giovanni Arnolfini (Berlin) et dans celui d’André de Toulongeon (miniature datée de 1473), le chaperon est rouge, mais il n’est pas noué en turban (62). Dans le triptyque seilern, le donateur l’a posé, lui, sur ses épaules. Les archives brugeoises mentionnent entre 1357 et 1484 une compagnie de cent hommes coiffés de chaperons rouges (rode caproenen) (63). Ne s’agirait-il pas de l’un de ses chefs ? Sans doute les contemporains du peintre étaient-ils moins éblouis que nous ne le sommes par la splendeur du couvre-chef. En revanche, les plus avertis d’entre eux devaient être sensibles à sa signification, promise à devenir obscure au fil du temps (64). C’est de ce côté-là qu’il faut chercher un argument décisif.

NG 222 passait dès 1655, peut-être depuis longtemps, pour un autoportrait du « prince des peintres » (65). La conviction est à abandonner, si ancienne et si répandue qu’elle soit. C’est dans l’homme en noir de la Fontaine de vie du Prado qu’il faut reconnaître le seul qui soit venu jusqu’à nous, je m’en suis persuadé. Je m’en suis expliqué lors du colloque de Bruxelles en septembre 2012 (66).

Notes

NuméroNote
1O. CALABRESE, L’art de l’autoportrait. Histoire et théorie d’un genre pictural, traduit de l’italien par O. Ménégaux et R. Morgenthaler, Citadelles et Mazenod, 2006 (cité ci-après CALABRESE). Auteur d’une Breve storia della semiotica, CALABRESE voit les choses de haut, en spécialiste des « sciences de la communication », et non pas en historien de l’art. Il ne creuse aucunement les problèmes abordés ici (p. 55, 161 et 164 et fig. 38, 46 et 153). Ceci dit, l’ouvrage, superbement illustré, est un précieux outil de travail. Der Mann mit dem roten Turban occupe une place d’honneur dans un autre bel ouvrage, Künstler als Kunstwerke. Selbstporträts vom Mittelalter bis zur Gegenwart, éd. U. Pfisterer et V. von Rosen, Stuttgart 2005 (p. 34-35). L’auteur de la notice, Karin Gludowatz, s’échine naturellement à faire admettre que NG 222 est un autoportrait, mais elle est bien en peine d’avancer un argument décisif. Voir aussi G. SCHWEIKHART, Das Selbstbildnis im 15. Jahrhundert, dans Italienische Frührenaissance und nordeuropäisches Spätmittelalter, éd. J. Poeschke, Munich, 1993. C’est sur l’art italien que se centre J. WOODS-MARSDEN, Renaissance Self-portraiture : The Visual Construction of Identity and the Social Status of the Artist, New Haven et Londres, 1998. Dans L. CAMPBELL, Renaissance Portraits, New Haven et Londres, 1990 (cité ci-après CAMPBELL 1990), le grain à moudre abonde, mais pas tellement au sujet des autoportraits ; voir p. 12, fig. 21, 22 et 169. Grâces soient rendues, une fois encore, à Volker Herzner pour sa sympathie agissante, entre autres en matière de bibliographie.
2J. MÜLLER-HOFSTEDE, Der Künstler im Humilitas gestus. Altniederländische Selbstporträts und ihre Signifikanz in Bildkontext. Jan van Eyck - Dieric Bouts - Hans Memling - Joos van Cleve, dans Autobiographie und Selbstportrait in der Renaissance, éd G. Schweikhart, Cologne, 1998, p. 39. – J. MÜLLER-HOFSTEDE, Florentiner Maler des Trecento und Quattrocento im Zeichen von Heilserwartung und Künstlerruhm. Zur Entstehung des Selbstporträts im Kontext der sakralen Historie, dans Florenz in der Frührenaissance. Kunst - Literatur - Epistolographie in der Sphäre des Humanismus. Gedenkschrift für Paul Oskar Kristeller (1905-1999), éd. J. Müller-Hofstede, Rheinbach 2002, p. 35-108.
3Dans la fresque du Pérugin à Pérouse (1500) et dans celle de Pinturicchio à Spello (1501-1502 environ), le portrait du peintre n’est pas intégré à la scène religieuse : CALABRESE, p. 70 et 77; fig.61, 62, 66, 67 et 68.
4CALABRESE, p. 62 et fig. 57 et 58.
5CALABRESE, p. 62 et fig. 54.
6CALABRESE, p. 61, 62 et 68 ; fig. 49-53, 55, 59 et 60. Il ne freine guère l’auteur dans son élan.
7CALABRESE, p. 92 et fig. 81 et 82.
8N. VERONEE-VERAEGHE, Le portrait, dans Les Primitifs flamands et leur temps, B. de Patoul et R. Van Schoute dir., Bruxelles, 1998, p. 228.
9J. PURAYE, Dominique Lampson, Les Effigies des peintres célèbres des Pays-Bas, Bruges, 1951, p. 23-26. La planche est de celles qui ont lancé chez les artistes la mode des coiffures d’allure bohème : A. SCHERER, Die Kopfbedeckung des Künstlers. Kleidungutensil und topos, dans Anzeiger des Germanischen Nationalmuseum, 2004, p. 17-36.
10P. POST, Wen stellen die vier ersten Reiter auf dem Flügel der Gerechten Richter am Genter Altar ?, dans Jahrbuch der preussischen Kunstsammlungen, t. 42, 1921, p. 67-81. – L. DEQUEKER, Het mysterie van het Lam Gods. Filips de Goede en de Rechtvaardige Rechters van Van Eyck, Louvain, 2011, p. 152.
11E. DHANENS, Iconografie der van Eyck’s, Bruges, 1982, p. 8-9. – A. CHATELET, À propos des portraits des frères Van Eyck, dans Liber amicorum Herman Liebaers, Bruxelles, 1984, p. 411-417 et Hubert et Jan van Eyck, créateurs de l’Agneau mystique, Dijon, 2011, p. 100-101 et 221. Maints auteurs ont mis des noms sur les innombrables visages qui semblent des portraits. Le résultat est cocasse, comme le souligne Elisabeth Dhanens : Het retabel van het Lam Gods, Gand, 1965 (Inventaris…6), p. 54.
12J. LEJEUNE, Les van Eyck, peintres de Liège et de sa cathédrale, Liège, 1956, p. 200 ; l’auteur était bien en peine de fournir la moindre preuve. Sa conviction n’est pas restée sans écho : M. COMBLEN-SONKES et Ph. Lorentz, Le Musée du Louvre, Paris (Corpus… 17), t. 2, Bruxelles, 1995, p. 32
13J. Lejeune, Jean et Marguerite van Eyck et le roman des Arnolfini, Liège, 1972. sa conviction l’amène à des élucubrations qui font hausser les sourcils, tout comme le titre qu’il a choisi.
14L. Campbell, The fifteenth Century Netherlandish Schools, Londres, 1998 (National Gallery Catalogues), (cité ci-après Campbell 1998), p. 174-211.
15Gr. Wedekind, Jeux de vérité. Portrait et réalité dans Les Époux Arnolfini de Jan van Eyck, dans Le portrait individuel, éd. D. Olariu, Berne, 2009, p. 205-232. Au passage (p. 211-213), les commentaires sur L’Homme au turban sont recensés dans le même esprit.
16A. Châtelet, Hubert et Jan van Eyck, créateurs de l’Agneau mystique, Dijon, 2011 (cité ci-après Châtelet), p. 298, P/9.
17D. Jansen, Jan van Eycks Selbstbildnis, dans Pantheon (München), t. 47, 1989, p. 36-48.
18Not Timotheos again !, dans ‘Als ich can’. Liber amicorum Maurits Smeyers, éd. B. Cardon et al., Louvain, 2002, t. 2, p. 1037-1057.
19T. Ionesco, Le portrait de Jan van Eyck ( ?) à Bucarest, dans Revue belge d’archéologie et d’histoire de l’art, t. 69, 1990, p. 12. Autour de cette aventureuse conjecture un silence charitable se perpétue à bon droit : Châtelet, p. 281, IX/4. on n’est pas davantage enclin à reconnaître « Jean IV de Brabant proposant des fiançailles » : Bruegel Memling Van Eyck. La collection Brukenthal, cat. exp., Paris, 2009, p. 63.
20E. Panofsky, Early netherlandish painting, Cambridge, 1953 (cité ci-après Panofsky), p. 198.
21E. Dhanens, Hubert et Jan van Eyck, Anvers, 1980, p. 188-192. Sa conviction est de toute évidence inébranlable.
22The fifteenth Century Netherlandish Schools, Londres, 1998 (National Gallery Catalogues), (cité ci-après Campbell 1998), p. 212-217. Voir aussi L. Campbell, Renaissance Faces. Van Eyck to Titian, Londres, 2008 (cité ci-après Campbell 2008), p. 178-179. Après avoir pesé le pour et le contre avec une pénétration sans précédent, Lorne maintient un prudent point d’interrogation.
23H. Belting, Le portrait médiéval et le portrait autonome. Une question, dans Le portrait individuel, éd. D. Olariu, Berne, 2009. p. 132-135. Plus aucune trace de doute, d’argumentation point.
24Châtelet, p. 176 et 281-282, IX/6.
25The National Gallery London (Corpus…), t. 2, Anvers, p. 131.
26Saur Allgemeines Künstlerlexikon, t. 35, p. 513.
27S. Duban, Authorizing Identity in Fifteenth-Century Bruges: The Case of Jan van Eyck’s Man in a Red Turban, dans Chicago Art Journal, 1994, p. 28-29. Ce pénétrant essai d’une doctorante de l’Université de Chicago, élève de Linda Seidel, sera cité ci-après Duban tout court.
28Les autoportraits d’Albrecht Dürer (CALABRESE, p. 72, 92 et 94 ; fig. 84 et 259), absolument indiscutables, eux, sont postérieurs de plus d’un demi-siècle à la mort de Jan. Dans le domaine de l’enluminure, un fort beau cas précoce : CALABRESE, p. 45 et fig. 36 ; l’auteur se contredit étrangement à son sujet.
29Châtelet, p. 281-283, IX/5 et 7 ; p. 291-292, L/8.
30 Campbell 1990, p. 72 et fig. 75 et 80. – D. De Vos, Rogier van der Weyden, Anvers, 1999, p. 192-193. – Cat. exp. Der Meister von Flémalle und Rogier van der Weyden, éd. St. Kemperdick et J. Sander, Berlin et Francfort, 2008 (cité ci-après Flémalle und Rogier), p. 277-280, n° 20.
31A. Neumeyer, Das Blick aus dem Bilde, Berlin, 1964. Voir M. P. J. Martens, The Position of the Artist in the Fifteenth Century : Salaries and Social Mobility, dans Sharing Status, éd. W. Blockmans et A. Janse, Turnhout, 1999, p. 387-414 ; un commentaire lucide (p. 388) et une hypothèse aventureuse au sujet du « fashionable capuchon » qui aurait un « timeless character » (p. 390-391).
32Duban, p. 30. Voir aussi Châtelet, p. 155-157 et 275-276, VIII/4.
33Duban, p. 25.
34Campbell 1990, fig. 185 et surtout 186. Voir aussi fig. 4, 23, 39-42, 133, 134, 142, 172, 184, 233 etc. Lorne disserte de l’asymétrie des visages dans les portraits anciens comme s’il était en mesure de les confronter aux modèles en chair et en os.
35Panofsky, p. 198 : « Above all, the very character of the Man in a Red Turban, impressionable yet imperturbable, disillusioned yet insatiably curious, agrees with the idea which Jan van Eyck’s pictures convey of their maker ».
36Altniederländische malerei, t. I, Berlin, 1924, p. 53 : « Vielleicht stand der Maler und der Auftraggeber vergleichsweise fremd gegenüber ».
37Elisabeth Dhanens se résigne à l’admettre. Pour comparaison, Campbell 1990, fig. 231 et 232.
38J. Weale, The Van Eycks and their Art, Londres, 1912, p. 113. – Chr. Aulanier, Marguerite van Eyck et l’Homme au turban rouge, dans Gazette des Beaux-Arts 6/16, 1936, p. 57-58.
39Campbell 1998, p. 174-211. – Châtelet, p. 283-284, X/1 et p. 290-291, L/7.
40M. Scott, Dress in van Eyck’s Paintings, dans Investigating Jan van Eyck, éd. S. Foister, S. Jones et D. Cool, Turnhout, 2000 (cité ci-après Investigating), p. 131-145.
41C. Reynolds,  « The King of Painters », dans Investigating, p. 3.
42Comblen-Sonkes et Lorentz, o. c., p. 21-26 et 58.
43E. Dhanens, De kwartierstaat en het graf van Jan van Eyck, dans Medelingen van de Koninklijke Academie voor Wetenschappen, Letteren en Schone Kunsten van Belgïe. Klasse der Schone Kunsten, t. 39, 1977, p. 7-50. – E. Dhanens, Hubert et Jan van Eyck, Anvers, 1980, p. 13, 30-31 et 37. Anne Hagopian Van Buren (Dictionary of Art, t. 10, p. 703), Lorne Campbell (Campbell 1998, p. 174) et Catherine Reynolds (o. c., p. 4) ont adopté l’idée.
44Merci à mon excellent ami Jean-Jacques van Ormelingen, président de l’office généalogique et héraldique de Belgique, qui m’a fait bénéficier de son savoir.
45C. Bozzolo et H. Loyau, Une tranche de la société tournaisienne à la cour amoureuse dite de Charles VI, dans Campin in Context, Valenciennes, Bruxelles et Tournai, 2007, p. 70.
46Panofsky, p. 179. – Duban, p. 29.
47L’homme ne saurait donc avoir pour saint patron l’apôtre Mathieu, qui en est souvent affublé : Gr. A. H. Vlam, The Calling of Matthew in Sixteenth Century Flemish Painting, dans Art Bulletin, t. 59, 1977, p. 563 et 566, n. 32.
48C. Périer-D’Ieteren, Thierry Bouts. L’œuvre complet, Bruxelles, 2005, fig. 9.
49A. Scherer, Die Kopfbedeckung…, dans Anzeiger des Germanischen Nationalmuseum, 2004, p. 17-36. L’enquête, de belle étendue, est fondée pour l’essentiel sur les publications en langue allemande (p. 33, n. 9). « schriftliche Aüsserungen fehlen » (p. 17). Michaël Wolgemut, qui suit l’homme au turban dans le répertoire, porte un bonnet discret de couleur sombre (fig. 3). Winckelmann (fig. 12) était proche des artistes, mais sans être l’un des leurs. Dans le cas du tableau de van Eyck, l’auteur fait sagement son deuil de ses convictions (p. 20).
50Témoin éloquent, à dater si j’ai vu clair d’avril-mai 1417 : P. Colman, Jan van Eyck et Jean sans Pitié, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2009 (Mémoire de la Classe des Arts. Collection in-8°, 3e série, t. xxVII), p. 96. Plusieurs dans le calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry (f° 1 v°, f° 4 v° et f° 5 v°). Aucun n’est exactement pareil à celui de NG 222 ; aucun n’est exactement pareil aux autres. Voir M. Madou, Le costume civil, Turnhout, 1986 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental), p. 26-27. – Fr. Boucher, Histoire du costume, 2e éd., Paris, 2008, p. 156-160.
51H. Belting et Chr. Kruse, Die Erfindung der Gemälde, Munich, 1994, p. 39-45 (Das «moderne » Porträt im Konflikt zwischen Hof und Bürgertum).
52Châtelet, p. 281, IX/4.
53L. Campbell, The Early Flemish Pictures in the Collection of Her Majesty the Queen, Cambridge, 1985, n° 72, p. 114-118.
54De Vos, o. c., p. 249.
55M. Comblen-Sonkes, Le Musée des Beaux-Arts de Dijon, Bruxelles, 1986 (Corpus…, 14), n° 147, p. 220-232. – Fr. PIponnier et P. Mame, Se vêtir au Moyen Age, Paris, 1995, p. 89.
56M. Madou, Le costume civil, Turnhout, 1986 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental), p. 59.- Piponnier et Mame, o. c., p. 89 et 202. – L. Monnas, Silk Textiles in the Paintings of Jan van Eyck, dans Investigating, p. 147.
57Châtelet, p. 142-148, et p. 270-271, VII/4.
58Châtelet, p. 298, P/9.
59Campbell 1990, fig. 104. – Flémalle und Rogier, p. 16-17. L’unanimité est fort loin d’être faite : C. Périer-D’Ieteren, Les expositions van der Weyden – Flémalle : avancées, reculs, tergiversations, dans Revue belge d’archéologie et d’histoire de l’art, t. 79, 2010, p. 24-25. serait-ce un autoportrait de Rogier ? Il faut en douter. La démonstration de l’auteur qui le veut tient du château de cartes : P. Van Calster, Of Beardless Painters and Red Chaperons. A Fifteenth-Century Whodunit, dans Zeitschrift für Kunstgeschichte, t. 66, 2003, p. 465-492. Les spécialistes ne sont pas moins divisés au sujet des autoportraits de Rogier. Voir A. Châtelet, Note sur un autoportrait de Roger van der Weyden, dans Bulletin de l’Institut royal du patrimoine artistique, t. 15, 1975, p. 70-77 et D. De Vos, Rogier van der Weyden, Anvers, 1999, p. 204. Rogier a-t-il pu se représenter lui-même, sans craindre d’être accusé de sacrilège, en saint Luc dessinant la Vierge ?
60De Vos, o. c., p. 413, C 12.
61Flémalle und Rogier, cat. n° 15, p. 262-264.
62Châtelet, p. 172 et 298, P/9.
63Duban, p. 27.
64Duban, p. 25.
65Campbell 1998, p. 212 (« apparently »).
66P. Colman, Les autoportraits présumés de Jan Van Eyck et la date approximative de sa naissance, exposé présenté lors du colloque Van Eyck Studies, à l’Institut royal du patrimoine artistique, Bruxelles, du 19 au 21 septembre 2012, à paraître.